Lundi.
J’arrive enfin à croiser Bïa, qui a un emploi du temps surchargé avec la sortie de son livre “Les révolutions de Marina”, un roman partiellement autobiographique. Je la retrouve dans un bar où elle est interviewée lors d’une émission radio en public pour sa promo, puis nous laissons en paix les ptits journaleux culturos pour aller déguster un chocolat chaud au Festin de Babette. Le chocolat en question est l’un des meilleurs que j’ai pu boire, Barcelone compris.
Second match d’impro de la CIA. Les équipes sont un cran au dessous de celles de la semaine dernière, mais elles gèrent sérieusement malgré tout. Les pubs pour La belle province, un fast food local, sont particulièrement réussies. Je prends des notes et je me bidonne.
Mardi.
Yann, un autre pote montpellierain émigré à Montréal, me propose de le rejoindre à un 5 à 7 (les afterwork québecois). Celui-ci débute par la conférence organisée pour la sortie d’un bouquin (c’est de saison, semble-t-il). L’auteur, Mitch Joel, se positionne un peu comme un prophète de la communauté des geeks réseauteurs. Son livre, Six Pixels of Separation, semble destiné à devenir la nouvelle bible du webmarketing. Ou pas. Mister Joel ne me convainc pas vraiment. En tout cas, il brasse très bien l’air, et fait de gros efforts pour ne jamais entrer dans le vif du sujet du livre. Il aurait pu, peu ou prou, donner la même conférence sur un concept de broccoli en tube, ou sur celui d’une pile nucléaire biodégradable. Je suis mauvaise langue, soit, mais je n’aime pas assister à une mauvaise démonstration de rhétorique à volonté commerciale. S’il veut nous embroccoliser, qu’il le fasse au moins avec panache.
Isabelle me propose d’aller voir l’Orchestre Symphonique de Montréal pour un prix dérisoire (5$, contre plus de 90 initialement). Je saute sur l’occasion, et je me régale de la maestria de Maxim Vengerov, chef d’orchestre d’exception. Autant le double concerto pour violon et violoncelle de Brahms est mignonnet, mais manque définitivement de corps à mon goût (le malvoyant ronfleur du rang de derrière semble être de mon avis), autant la Symphonie n°6 de Tchaikovski, dite “Pathétique”, est tout simplement sublime. Un grand moment de musique...
Mercredi.
Echec : je tente d’aller voir le spectacle de Josh, un gars de l’improv du dimanche avec le courant est bien passé, mais le show est annulé faute de spectateurs (on est six dans la salle). Tooo bad!
Jeudi.
Seconde visite du quartier italien. Sous la neige, cette fois. Je ne trouve pas les articles que je venais y chercher (un gilet d’inspiration espagnole, pour les faquins, et un magnifique masque en latex, malheureusement une taille trop grande). Par contre, j’y déguste le meilleur capuccino dans lequel j’ai pu tremper les lèvres, et une excellente pizza, qui me vaut une étrange péripétie. Je termine gentiment ma pizza quand une carafe d’eau échappe des mains d’un serveur, et explose littéralement sur la table à quelques centimètres de moi. Je termine de mâcher tranquillement tandis que les morceaux de verre volent tout autour de moi, au risque de transformer en porc-épic cristallin. D’accord, j’exagère un poil, mais l’incident était franchement impressionnant, rétrospectivement.
Dernière séance d’escrime. Uniquement à la rapière, cette fois. On travaille quelques parades intéressantes, puis on attaque une longue session de combat libre, dont la seconde partie se fera à deux armes, rapière et main gauche. Les passes d’armes sont tellement rapide que c’en est presque flippant. Je récolte une paire d’égratignures sans gravité, mais l’experience est plus que concluante. Va falloir que je bosse avec Aurélien dans cette direction, je sais que ce type de travail lui manque aux faquins. Enfin, quand j’aurais récupéré un vrai niveau technique. Deux années sans escrime (ou presque, si je compte les quelques séances de sportive à Winthrop) m’ont méchamment rouillé.
Je me pose ensuite à Second Cup avec Jean, un grand barbu déguingandé rencontré chez les Duellistes, Je teste le cidre chaud, un concept savoureux que je vais probablement tenter d’exporter en France. Jean me raconte un peu son parcours, entre graphisme et consulting marketing. On cause, on échange, et il m’invite à un brunch qu’il donne un dimanche par mois chez lui. Très tentant…
Vendredi.
Buffet chez Alain Delaporte, un confrère de mon père qui termine actuellement sa tournée québecoise. Toute l’équipe des Grands Explorateurs est là, ou presque, et le déjeuner se déroule dans une ambiance intriguante, mi-familiale mi-professionnelle.
Visite nocturne du Jardin Botanique avec Pha. Le parc lui-même est tout simplement gigantesque. On sent qu’on est loin de la vieille Europe et de son manque de place compulsif. Quelle idée étrange que celle de se rendre dans un jardin botanique à la nuit ? Les fougères sont carrément pas loquaces à c’t’heure, et des loupinous pourraient bien se planquer dans les fourrés. Certes, certes, mais durant tout le mois d’octobre y est organisé deux expos, une de citrouilles décorées, l’autre de lanternes chinoises. Elles nous offrent un ticket aller pour un retour en enfance. Il fait mochement froid, mais la ballade est vraiment sympa, les lanternes sont franchement jolies, et les citrouilles bien marrantes. On en profite pour faire un tour des serres classiques, avec bonzaïs, cacti, orchidées, et autres gazons décoratifs imbroutables.
Souper dans un resto afghan avec mon père, Richard-Olivier, son accompagnateur au Québec, et Isabelle. La nourriture est délicieuse. La façade du resto est fascinante, un assemblage déstructuré de boiseries vernies. On est loin du cliché du resto afghan simple et familial, mais c’est aussi ça, la mondialisation.
Petit passage par le Rouge dont je ressors assez vite, l’ambiance du vendredi étant très différente de celle du samedi. Adaptée à la clientèle beaucoup plus jeune, la musique ne tient plus guère la route.
Samedi.
Un peu de magasinage. Je trouve de la Cajeta Quemada, dont je suis devenu un grand fan au Texas, et que je souhaite faire découvrir à Isabelle (ce petit miracle gustatif est une sorte de caramel au lait de chèvre à tartiner, l’équivalent mexicain du Dulce de leche). Je goûte également un excellent cheesecake aux fruits rouges à Kilo, dont je ramène une version au chocolat noir pour mon paternel.
Séance de Power Shaking, suggérée par Jean, où j’emmène ma cousine. En quoi que ça consiste, cette affaire-là ? C’est tout simple : il faut laisser tout son corps vibrer sur une musique catalysante pour faire sortir les bad vibes accumulées tout au long de l’année. Cette activité, idéale pour une saison morbide comme l’automne, est censée permettre à tout le corps de se régénérer en remuant l’adn (c’est comme orangina : faut secouer, sinon la pulpe, elle reste en bas). Selon le gars qui dirige la séance, le Power Shaking serait un remède absolu (ta femme reviens, tu gagnes au loto, la chance sur toi et ta famille pour treize générations, paiement après résultat, tout ça). Whatever… L’expérience est néanmoins intéressante. L’asso qui organise cette affaire compte dans ses rangs quelques gentils babouses qui ne semblent pas être complétement redescendus sur terre après leurs divers trips chelous dans les 70’s (certains m’ont lancé des sourires franchement inquiétants), mais l’ambiance est mignonnette. On ne s’éternise pas après l’atelier, Isabelle se faisant dévorer des yeux par une dame aux appetits sensuels apparemment contrariés, ou simplement gourmande.
Revigorée par cette séance de shaking, Isabelle décide de me suivre au Rouge. Après une bonne demi heure de musique djeunesque et consensuelle, mais efficace, le DJ met le turbo et passe en mode oldies. C’est du bon, du très très bon. Quelque part entre le Rockstore cuvée ‘97 et la salle du bas du Memphis. Le panard intégral ! Je manque de construire un petit autel au pied de la cabine du DJ. Après réflexion, la musculature noueuse du videur me dissuade d’ériger cet humble temple à la gloire de ce héros des temps modernes. Je termine la soirée épuisé, mais heureux.
Dimanche.
Le brunch chez Jean est défini par un thème, changeant chaque mois. Aujourd’hui, celui-ci est “Fiction”. Le thème doit transparaître dans les aliments apportés, la tenue de l’invité, ou tout autre média plus ou moins crédible. Je choisi de rendre hommage par un jeu de mot particulièrement capillotracté à une série qui a bercé ma jeunesse. J’arrive donc au brunch avec “trio d’melon et boîte de fruit”. Sans commentaires…
Je rencontre quelques individus intéressants, je cause de nouveau avec Jean, je festoie, je lampe des litres de jus de fruit organique. C’est fête ! J’ai également un petit clash avec théâtreuse locale lorsque je lui annonce que je dois me rendre à un cours d’impro en anglais. Visiblement, l’idée qu’un Français vienne “faire des affaires en Anglais” à Montréal la blesse profondément. Que la communauté francophone québecoise se batte pour protéger sa culture de l’invasion anglophone, je trouve la démarche tout à fait légitime. Qu’un Français soit regardé de travers s’il ose faire preuve d’ouverture culturelle, c’est une autre histoire. Soit, je ne suis pas Québecois, et je ne sais pas ce que signifie de voir chaque jour sa culture grignotée par l’hégémonie anglophone, mais quand même, son manque d’open-mindedness me sidère. Je la laisse chialer, mais je n’en pense pas moins.
Dernier atelier d’improv à Ste Catherine. Les courbatures héritées de la soirée d’hier se font salement sentir. L’atelier est mené par l’un des deux gars de la semaine dernière, et je me trouve franchement sous-performant. Je décide de monter sur scène malgré tout. Il serait dommage de louper une occasion pareille. Je mange un morceau, je m’étire sérieusement, et je me prépare à affronter ma toute première scène en anglais (ok, la vraie première était l’an dernier pour Create Carolina, mais je ne faisait que danser et figurer, ça ne compte pas).
Le show se passe plutôt bien. Celui-ci est dirigé par Sandy, arrivée juste avant la fin de l’atelier. Elle est assistée par un italo-canadien, pilier des cours du dimanche. Je pense ne pas trop mal me débrouiller dans l’ensemble, jusqu’à ce qu’arrive la dernière presta. Celle-ci est un véritable cadeau. Je dois jouer avec Josh sur le thème “Average day in Hell” (une journée ordinaire en enfer). Je puise dans mon expérience au Lilith’s Club et je me régale à interpréter un Lucifer branleur et has-been. Un petit hommage à cet excellent film qu’est Constantine en guise de final, et on termine avec une fort jolie note (4/5). Hé oui, le show est toujours Maestro, et les toutes les prestations sont donc notées par le public via l’applaudimètre. L’un des acteurs est désigné gagnant grâce à l’avance confortable qu’il a sur le peloton composé par les cinq autres, dont je fait partie. Pas mal, pour une première.
Dernière bière avec mon père dans un pub à coté de l’appart. On y écoute jouer un mauvais sosie de Keziah Jones, puis un excellent auteur-compositeur local.
Lundi.
Le rush du dernier jour. Je passe deux heures à chercher un bonnet très particulier, qui sera du meilleur effet pour jouer avec mes chers Ours.
Et c’est déjà le départ…