mardi 5 août 2008

Mafiosi, pirates et leprechauns


Je commence tout doucement à me faire à l’idée de rester coincé 10 jours sur un campus désert lorsque Missy - l’une de mes voisines - me propose de partir avec elle célébrer la St Patrick à Savannah puis de filer chez ses parents - qui habitent près de Columbia - où son neveu de 6 ans s’apprête à jouer son tout premier match de base-ball. Ce jour-là, mes synapses ont battu leur record personnel de connection pour tricoter un « Of course, I will ! » aussi rayonnant et bondissant qu’un Tigrou sous amphets.

C’est ainsi que je me retrouve sur les routes de Caroline du Sud, le dernier dimanche d’hiver, en compagnie d’une jeune et ravissante philosophe de bientôt 27 ans. La vie est parfois cruelle…

En plus d’être mon premier week-end sans entendre ou prononcer le moindre mot de Français, ces deux jours sont ma première expérience de voyage à l’Américaine. Un séjour en terre étrangère – en l’occurrence l’Etat voisin de Georgia – pouvant s’avérer hasardeux, il est important de prévoir les vivres en conséquence. Résultat : une montagne de nourriture s’entasse dans la voiture, joyeusement accompagnée par une douzaine de pepsis « de survie » (vitaminés et hautement caféinés), un pack de Red Bull, et une bouteille de vodka à la vanille. Ces rations ne correspondent évidemment qu’aux denrées snackables, l’un des objectifs de notre voyage étant de goûter les spécialités locales. Mais bon, mieux vaut être prudents, on aurait pu manquer…

La route est ensoleillée, Missy radieuse et en verve, le voyage s’annonce un pur bonheur. Une fois arrivés à Savannah, une douce vague de chaleur nous submerge. Je l’accueille à bras ouvert après l’air frisquetement humide de Rock Hill. Une chouette ballade nous mène des jardins municipaux à River Street, la rue la plus animée de la ville - notamment lors de la St Patrick. Nous croisons en chemin moult maisons coloniales et arbres en fleurs. Le Printemps est là, je le respire à plein poumons. Le pied !

À peine nos pieds touchent-ils le roc festif de River Street que nos estomacs se mettent à chanter en chœur l’hymne national de Famineland. Touchés par leur virtuosité, nous décidons de récompenser ces formidables barytons à grands coups de boustifaille. Et hop, une petite cure de poisson et crustacés. Ca tombe bien, je commençais à manquer de phosphore. Merveilleuse surprise : pas de pain servi ici, mais des muffins "honey bourbon peanut butter" (beurre de cacahuète, miel et bourbon), fourrés aux myrtilles. Petit orgasme sur la langue…

La présence de rhum parmi les ingrédients imbibant la pâte des muffin locaux pourrait sembler incongrue sans un certain épisode historique haut en couleur. En effet, Savannah n’est pas connue uniquement pour son nullissime soap éponyme et pour être l’hôte de l’excellent « Minuit dans le jardin du Bien et du Mal ». Cet ancien port est tristement célèbre pour avoir été infesté de pirates. Mais attention, pas du freluquet ou du mari d’eau douce ; non, Monsieur ! De célèbres capitaines, tels Barbenoire ou Jean Lafitte, sont venus s’encanailler dans la région, tandis qu’ils laissaient quartier libre à leurs féroces équipages. Ces joyeux lurons ont laissé quelques souvenirs… tenaces. Une petite pensée pour mes faquinous aimés.

Une fois nos panses allourdies, Missy et moi passons l’après-midi à errer le long de River Street, à trainer dans les innombrables bric-à-bracs locaux, et à chercher un hôtel pratiquant des tarifs décents. Nous glandouillons nonchalamment, matant des zigotos bariolés perpétrer leurs clowneries, avant d’attaquer les choses sérieuses, la raison de notre présence en ville : Paddy’s Day.

En plus d’être connue pour les diverses raisons citées plus haut, Savannah se fait forte d’avoir la St-Patrick la plus haute en couleur de tout le Sud-Est Américain. Qu’il mérite ou non sa réputation, le 17 Mars Savannahien est l’occasion pour la ville de se noyer sous un raz de Guinness, tandis que les leprechauns dansent la gigue tout en pinçant les inconscients sortis sans une touche de vert salvatrice. La St Patrick tombant cette année un Lundi, il fut décidé en haut lieu que l’événement serait célébré le week-end précédent. TOUT le week-end précédent. La parade ouvrait ainsi le bal le Vendredi, annonçant 4 jours de festivités, d’ébriété, et d’éléphants verts gambattant gaiement dans les rues.

Arrivés le Dimanche midi pour repartir le lendemain après déjeuner, notre célébration de la fête nationale Irlandaise est donc complétement décalé. Ce serait comme arriver à Nîmes le Dimanche pour la féria de Pentecôte, passer la journée sur le Victor Hugo, puis squatter une bodégua sympa mais pas trop remuante pour la soirée. Expérience étrange, mais intéressante. La ville semble marcher au ralenti, souffrant d’une gueule de bois carabinée et d’une flemme guimauvesque.

Notre soirée est peu mouvementée, mais très agréable. Nous commençons à ouvrir gentiment les hostilités avec un Bloody Mary en milieu d’après-midi – une spécialité locale, bien meilleur que tous ceux que j’ai pu boire jusqu’à présent – puis nous prenons d’assaut un bon vieux pub Irlandais, prêts à lamper une vraie boisson irlandaise, sombre et velue à souhait. Guinness, for Strength ! Un authentique groupe de Dubliners nous régale de classiques venus tout droit de l’Ile d’Emeraude, repris en chœur par un auditoire paisiblement imbibé. Nous terminons la soirée dans une gourgotte typiquement ricaine, ayant le bon goût de proposer pizzas, hot-dogs, chicken wings et hamburgers à des heures indues. Le tout arrosé de soda sirupeux, ça va de soit…

Le lendemain matin – sans gueule de bois, oui, je sais, hérétique, tout ça… - séance shopping pour dénicher les incontournables t-shirts commémoratifs et embarquer l’une des monstruosités culinaires que j’avais repérées la veille (sortes de pommes d’amour géantes, recouvertes de chocolat et de noix, noisettes, pécan, etc. Absolument indécent). Au petit matin, les portes du pub de la veille restent aussi hermétiques que la soutane d’une nonne. Étonnant…

Nous prenons notre repas de midi dans un restaurant italien au nom évocateur. Tiens, Savannah n’est pas donc pas peuplée que de pirates et d’Irlandais… Si les canellonis sont succulents, l’espresso est absolument immonde. Il y a finalement peu de chances que les employés soient réellement italiens. J’en reviens à mon hypothèse de départ et décide que personne en ville ne peut décemment boire son café sans y ajouter une lichette de rhum ou de whisky. Parfois ensemble, pensons aux sang-mêlés.

Nous reprenons la route une fois repus. Direction Columbia, pour mon tout premier match de baseball en direct. Enfin, utiliser le terme match est peut-être excessif pour des joueurs de cet âge, mais le spectacle est vraiment touchant. Je regarde le neveu de Missy tenter péniblement de réaliser ses premiers homeruns tout en découvrant le concept du corn-dog - un hotdog sur batonnet, recouvert d’une pâte de maïs. Étrange… (le dog, pas le neveu).

Suit une petite soirée pizza en famille dont je suis l’attraction (pour les raisons suivantes : 1, ils n’ont pas l’habitude des Français ; 2, ils sont persuadés que Missy m’a mis le grappin dessus, ou le contraire). Un dernier tour de voiture, nocturne celui-ci, et nous voilà rentré à la maison après un week-end bien rempli.

Le bilan est plus que positif, je suis absolument ravi de cette virée passée à discuter philo et à refaire le monde avec celle qui deviendra ma meilleure amie à Rock Hill, mais mon cœur n’est pas en paix. Un battement sourd résonne dans tout mon être. Une vibration lancinante. Un appel irresistible. Le chant d’une sirène à la peau sombre, à l’accent cajun, et à la queue de poisson-chat. NOLA me réclame, NOLA m’ouvre ses portes, et me sussure à l’oreille des promesses insensées, afin de mieux me voler mon âme. Je ne peux - ni ne veux – resister. Je cède à ses avances, le sourire aux lèvres.

À venir : NOLA on my mind


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Grand frère, des fois, t'es bizar.
*réfléchit*
Bon, ca vient aussi du fait que je sois méchamment à la masse. Mais lire le 5 juillet le récit de ce que tu as fais pour la st patrick est assez surprenant j'avoue ^^

bon, quand c'est que tu post un peu plus ? j'aime bien ta manière de raconter moi !^^

Kevin a dit…

5 Août, ma puce, 5 Août (6, d'ailleurs).

Et oui, je suis à la bourre, je sais...